|
Le cadre législatif du marché automobile russe évolue
rapidement ces dernières années. De nouvelles barrières douanières sont
dressées régulièrement à l’entrée de ce marché, comme la « taxe de
recyclage » adoptée en septembre 2012 et qui pénalise fortement les
importations des véhicules. Cette taxe a déjà provoqué le dépôt de
plusieurs plaintes contre la Russie auprès de l’OMC.
Qui sont les auteurs de ces nouvelles mesures ? Qui a le pouvoir de
décision pour les faire adopter ? Qui dispose d’un pouvoir de lobbying
et par quel biais ? Nous vous proposons un panorama des principaux
décideurs du secteur automobile en Russie, leurs CV et leurs
interactions expliqués et commentés par un expert local.
Les décisionnaires de l’industrie automobile russe peuvent être repartis
sur trois strates. Au niveau fédéral c’est le cabinet du vice
Premier-ministre et les ministères concernés : l’Industrie et le
Développement économique. La strate régionale comprend les gouverneurs
des régions d’implantation dont Kalouga, Nijny, Samara, le Tatarstan et
parfois les administrations des grandes villes concernées comme Moscou
ou St Petersbourg. Enfin au niveau opérationnel certains dirigeants des
grandes entreprises nationales disposent d’un pouvoir de lobbying. En
particulier ceux de la holding Rosstechnologii (Rostec), pour l’instant
actionnaire d’Avtovaz, et du groupe Sollers.
Les trois niveaux semblent bien hiérarchisés dans le sens de l’exécution
des décisions, de haut vers le bas. C’est un héritage de « l’économie
planifiée » soviétique qui conditionne les mentalités concernant le rôle
des ministères et des administrations régionales. Mais le pouvoir réel
est reparti selon d’autres règles qui offrent des capacités
d’interaction « de bas vers le haut ». Ces règles invisibles mais
puissantes sont établies en fonction des alliances familiales entre les
acteurs de l’industrie, car les dirigeants russes aiment bien nouer des
liens de caste. Le passé des dirigeants, notamment leur ancienne
appartenance aux services secrets ainsi que d’autres liens moins formels
jouent aussi. Les personnes concernées par ces liens transitent
librement entre les différents niveaux du pouvoir, sans pour autant
perdre de leur influence.
ADMINISTRATIONS
Le plus visible parmi ces décisionnaires, Arkady Dvorkovich, vice
Premier-ministre russe est en charge de superviser le secteur automobile
ainsi que le secteur énergétique et aussi l’industrie navale. La forme
de ses interventions laisse deviner qu’il se réserve un rôle plutôt «
politique » en faisant de la diplomatie entre les différents acteurs.
Par exemple il gère l’épineux dossier du rapprochement du constructeur
automobile biélorusse MAZ avec le russe KAMAZ. Il se prononce sur les
nouvelles aides publiques à l’industrie automobile nationale.
Sur le plan hiérarchique Arkady Dvorkovich est placé sous les ordres de
Dimitry Medvedev, le Premier ministre russe. Mais celui-ci n’est pas
réputé pour son implication dans le processus décisionnaire. Pour toute
décision importante les vice-Premier ministres doivent solliciter
l’accord du président Poutine qui se réserve le rôle de l’arbitre.
Industrie et Commerce
Denis Mantourov, ministre de l’Industrie et du Commerce est le numéro
deux dans les décisions concernant l’industrie automobile. Diplômé de
sociologie, il a aussi suivi une formation à l’économie. Il a travaillé
dans l’industrie aéronautique en tant que directeur commercial dans les
usines. Sa carrière a subitement décollé en 2001, après l’arrivée de
Vladimir Poutine à la présidence de la Russie. Peu de temps après
M.Mantourov a pris la direction d’une administration fédérale.
Aujourd’hui Denis Mantourov donne l’impression de réussir dans la vie.
Avec des revenus déclarés de 3,5 millions de dollars en 2013, il fait
partie des trois fonctionnaires du gouvernement actuel qui affichent des
revenus les plus élevés. Il s’agit des revenus annuels et non du
patrimoine, et cette statistique tient compte uniquement des revenus qui
ont fait l’objet d’une déclaration fiscale par l’intéressé ou par son
épouse.
Denis Mantourov est l’instigateur et le co-auteur d’un train de mesures
« anti-OMC » visant à maintenir à flot les différentes branches de
l’économie russe face à la concurrence, à coup de commandes publiques,
de barrières douanières nouvellement créées, de subventions déguisées
etc. Il détaillait ce programme lors du forum économique « Gaïdar Forum
» mi-janvier 2013 à Moscou. Plusieurs ministres avaient alors pris la
parole pour expliquer sans détour que l’OMC avec ses règles du libre
marché menace l’économie russe plus habituée à vivre sous perfusion
financière et à l’abri des barrières douanières. Mais M.Mantourov était
là pour annoncer que ses services ont trouvé la parade, le « point
faible » des règles de l’OMC : celles-ci prévoient des exceptions pour
des raisons d’écologie ou des raisons sanitaires. Par conséquent, le
besoin de protéger l’environnement devient une raison impérieuse et qui
ne peut pas être contestée par l’OMC. C’est le point de départ de la «
taxe de recyclage » qui pénalise les véhicules importés, mais aussi
d’autres taxes déjà appliquées ou en préparation. Les restrictions «
pour des raisons sanitaires » des importations de viande en provenance
d’Allemagne en sont un autre exemple. « D’autres barrières douanières
sont en préparation, confirmait plus tard Arkady Dvorkovich,
vice-Premier ministre russe. Elles viseront les importations des
machines agricoles, le secteur ferroviaire, l’industrie du textile et
celle des chaussures ainsi que d’autres secteurs industriels ».
Aleksei Rakhmanov, vice-ministre de l’Industrie et du Commerce en charge
de l’automobile, est la cheville ouvrière des différentes reformes qui
touchent ce secteur. Originaire de la ville de Nijni, ingénieur
mécanicien de formation, il avait suivi une deuxième formation pour
devenir traducteur de l’anglais. Fort de ses deux diplômes, il a réussi
à intégrer le cabinet Ernst&Yong en 1996. En 2002 il s’était fait
débaucher par le groupe Severstal d’Aleksei Mordachov, une holding
sidérurgique basée à Vologda dans le nord de la Russie. En 2003 il
préparait un MBI à Chicago. A
son retour il a intègre le département Severstal Avto qui gérait les
actifs industriels automobiles du groupe Severstal, notamment l’usine
d’assemblage UAZ et l’usine de moteurs ZMZ. M.Rakhmanov travaillait sous
les ordres de Vadim Shvetsov, directeur du département. En 2008 Alexei
Mordachov a décidé de se débarrasser de l’activité automobile. Et c’est
Vadim Shvetsov qui s’était porté acquéreur de la majorité du capital de
Severstal Avto. Désormais indépendante, l’entreprise a changé de nom :
elle s’appelle maintenant groupe Sollers.
A ce moment Aleksei Rakhmanov a quitté l’entreprise pour intégrer le
ministère de l’Industrie, au poste de chef du département Industrie
automobile et Machinerie agricole. Il restera à ce poste de 2008 à 2012,
date à laquelle il monte en grade pour devenir vice-ministre, en charge
du même secteur. Il a en plus la responsabilité du secteur de la
construction navale et des industries de la défense. Cependant le
secteur de l’industrie de la défense, générateur de nombreux conflits
d'intérêts,
est aujourd’hui directement supervisé par Dimitri Rogozine, vice-Premier
ministre.
Entre 2008 et 2013, Aleksei Rakhmanov s’était distingué par plusieurs
modifications à la réglementation concernant l’industrie automobile. En
2010 il a été l’auteur de la révision des Accords d’investissements
signés entre les constructeurs automobile occidentaux et le gouvernement
russe à partir des années 90 et au début des années 2000.
Les anciens accords élaborés par le ministre Guerman Greff, ouvertement
libéral, étaient peu contraignants pour les industriels. Ils prévoyaient
un engagement du constructeur sur une production de 25 000 unités par an
au minimum. En échange le constructeur obtenait le droit d’importer les
pièces et autres composants avec des taux douaniers réduits, compris
entre 0% et 5% (contre 20% à 25% en moyenne le taux normal). Le nouvel
accord type élaboré par Aleksei Rakhmanov, impose l’engagement du
constructeur sur une production minimum de 300 000 véhicules, la
production des pièces de carrosserie et l’emboutissage sur place, une
production d’au moins 200 000 moteurs et transmissions sur place, et
l’implantation d’un centre de Recherche et développement sur place.
L’Etat russe exige aussi un plan d’investissement portant sur un
milliard de dollars minimum. Les constructeurs présents avaient investi
en moyenne entre 150 et 250 millions de dollars dans leurs usines
d’assemblage en Russie à ce moment-là. En échange les constructeurs
signataires des nouveaux accords obtiennent le droit… de continuer à
exercer et à bénéficier des mêmes réductions douanières. Et rien de
plus. Aleksei Rakhmanov a réussi à faire passer cette mesure avec le
concours d‘Igor Shuvalov, vice-Premier ministre chargé de défendre les
intérêts des investisseurs locaux et occidentaux.
En 2012 M.Rakhmanov est l’auteur de la « taxe de recyclage » : une
barrière douanière instaurée immédiatement après l’entrée de la Russie
dans l’OMC et qui frappe tous les véhicules importés. Cette taxe est
comprise entre 860 et 3 500 dollars pour les voitures importées, selon
leur puissance fiscale, 5 000 dollars en moyenne pour les utilitaires
LCV et jusqu’à 17 000 dollars pour les camions. Son montant est venu
compenser la baisse des droits de douane, qui sont passés de 30% à 25%
selon les exigences de l’OMC.
« Cette nouvelle mesure ne vise pas uniquement à protéger les
constructeurs automobiles russes, nous cherchons aussi à améliorer
l’écologie. Et nous sommes contents d’avoir crée un nouvel instrument…
permettant de faire obstacle aux importations des véhicules
non-écologiques », déclarait Aleksei Rakhmanov dans une interview.
Pourtant la situation écologique précaire sur les routes russes est en
grande partie due au
parc des voitures de conception locale et des camions hors d’âge qui ne
peuvent satisfaire aux normes de pollution. Le maintien de ce parc nuit
à l’écologie. Le rajeunissement progressif du parc grâce aux véhicules
importés permettrait au contraire d’améliorer la situation écologique.
M. Rakhmanov n’a jamais caché que cette mesure avait une visée
protectionniste.
Bien que venant des univers différents, Denis Mantourov et Aleksei
Rakhmanov s’entendent bien sur le principe qui consiste à faire payer
toujours plus de taxes aux importateurs automobiles occidentaux et par
toutes les méthodes disponibles. Concernant ces méthodes, ils sont
conscients d’une possible condamnation de la Russie dans le cadre des
procédures entamées à l’OMC par l’UE, les Etats-Unis, le Japon et la
Turquie qui contestent les barrières douanières sur le segment
automobile. Et ils ont déjà planché sur les nouvelles parades. Dans un
premier temps ils ont sollicité l’extension de l’assiette de la taxe aux
véhicules assemblés en Russie. Cette extension a été votée par le
Parlement russe à l’automne. Dans l’hypothèse où ce simple vote ne
suffirait pas à stopper la procédure à l’OMC, ils envisagent de
percevoir effectivement cette « taxe de recyclage » sur tous les
véhicules vendus en Russie. Ensuite certains constructeurs installés
pourraient bénéficier des avantages fiscaux sur leurs activités en
Russie, et dont le montant sera égal au montant de la taxe versée. «
Quelle que soit la solution que nous allons adopter, il faut que cette
opération soit blanche pour nos industriels », déclarait Aleksei
Rakhmanov il y a peu.
Aleksei Rakhmanov et Denis Mantourov comptent bien profiter de la
célérité de leur administration : il leur faudra seulement
quelques semaines pour inventer, faire voter et commencer à appliquer un
nouveau type de taxe sur les véhicules importés. Et il faudra ensuite
deux ans à l’OMC pour en venir à bout. Le temps joue pour eux.
Le trio de l’Industrie s’est aussi distingué par quelques dossiers
marquants sur le marché intérieur. Notamment le projet « Maroussia
Motors ». Il s’agit d’un appel d’offre lancé par le ministère de
l’Industrie, pour concevoir un véhicule haut de gamme destiné aux
membres du gouvernement et autres dignitaires. Deux projets se sont
retrouvés sur la short liste. Le premier projet était présenté par
Nikolaï Fomenko, un chanteur à la mode. Amateur de courses automobiles,
il envisage de créer sa propre entreprise de construction automobile,
pour laquelle il a déjà trouvé le nom : Maroussia Motors. Celle-ci sera
chargée de concevoir et de produire des voitures russes haut de gamme.
Ce projet devrait commencer par la création d’un centre de recherches
qui devra concevoir l'automobile : « Nous recruterons les meilleurs
ingénieurs russes concepteurs de voitures. Et nous construirons ce
véhicule en nous appuyant sur les composants occidentaux du marché »,
déclarait M. Fomenko. Le coût de ce projet est chiffré à près de 600
millions de dollars, dont 400 millions de dollars de financement public.
A terme le chanteur compte produire sur la même plateforme 2 500
véhicules tourisme, 3 500 véhicules 4x4 et 1 500 minibus par an.
Le deuxième projet était présenté par le groupe GAZ, constructeur de
voitures depuis près de 90 ans, au sein de la holding industrielle
Russian Machines. Située à Nijni, l’usine GAZ produit près de 100 000
véhicules par an. Son chiffre d’affaires était proche de 4 milliards de
dollars en 2011. GAZ proposait de concevoir un véhicule haut de gamme
sur la base du châssis de la Mercedes S 600 Pullman Guard. Le
constructeur comptait bâtir ce véhicule avec des composants locaux, il
dispose d’une base industrielle importante avec une dizaine d’usines
d’équipement automobile dans son groupe. Le coût du projet GAZ était
chiffré à 35 millions de dollars pour la conception et près de 70
millions de dollars pour la réalisation.
Au printemps 2013 Mantourov et Rakhmanov avaient annoncé leur préférence
pour le projet Maroussia Motors, qui recevra donc le financement public
convoité. Pour décrypter cette décision, les analystes locaux font
valoir que le chanteur Fomenko est un soutien fidèle du président
Poutine. Le prix de ce soutien parait alors démesuré. Une autre
explication mettrait en œuvre des intérêts particuliers, mais rien ne
permet de le soupçonner.
« Arkady Dvorkovich, Denis Mantourov et Aleksei Rakhmanov sont tous les
trois des cadres de Dimitri Medvedev qu’il a pu placer ou promouvoir
quand il était encore président de la Russie », commente M.Gassimov
(c’est un pseudonyme), un expert du milieu industriel russe. Et
poursuivre : « Depuis l’élection présidentielle en 2012 qui a vu
Medvedev céder le poste à Poutine, on les appelle « l’équipe des
kamikazes » puisque leur espérance de vie au gouvernement dépend du
maintien de M.Medvedev à son poste de Premier ministre. Le jour où
Medvedev sautera, ils sauteront tous avec lui car ils n’ont aucun
soutien dans l’équipe de Poutine. Alors ils sont très pressés dans tout
ce qu’ils entreprennent. Les positions de Medvedev sont instables, il
avait déjà été donné partant à plusieurs reprises selon les rumeurs
venant du Kremlin. Il est toujours en poste aujourd’hui mais personne ne
s’étonnera si demain il n’était plus là. »
Développement économique
Aleksei Ouliukaiev, ministre du Développement économique, représente un
autre pôle de décision pour la stratégie industrielle russe dans le
domaine de l’automobile. Economiste de formation, il est diplômé de
l’université de Moscou et de l’Université Pierre Mendes-France à
Grenoble. Classé comme « réformateur », il a longtemps exercé comme
professeur d’économie et journaliste économique. Tenté par une carrière
politique, il est allé jusqu’à se présenter aux élections législatives
de 1999 sur la liste des démocrates. En 2000 Aleksei Ouliukaiev est
propulsé au premier gouvernement de Vladimir Poutine, au poste de
vice-ministre des Finances. Entre 2004 et 2013 il occupe le poste de
vice-président de la Banque centrale, avant de devenir ministre en juin
2013.
C’est un gestionnaire prudent. Dans ses analyses de l’état de l’économie
russe il se montre volontiers plus pessimiste que ses collègues
ministres. C’est peut-être le résidu de son passé de financier en chef,
quand il devait trouver le financement pour les grands programmes des
gouvernements précédents. Dans ses dernières interventions Aleksei
Ouliukaiev livre une analyse sans détour du mauvais climat
d’investissements sur fond d’une hausse des différentes charges pesant
sur les entreprises, notamment concernant les infrastructures, les
sources d’énergie et les transports. Ainsi que d’une hausse de la masse
salariale sur fond de baisse de rentabilité des entreprises.
Concernant la politique publique envers l’industrie automobile, Aleksei
Ouliukaiev se montre toujours hostile à l’idée d’éteindre l’incendie à
coup de subventions aux entreprises non-rentables. Il est davantage
favorable à la stimulation de la demande, comme l’actuelle aide à
l’achat d’une voiture avec des crédits à taux bonifié, financée à raison
de 250 millions de dollars par an jusqu’en 2015. Mais au sein du
gouvernement où plusieurs ministres et vice-ministres cultivent des
liens informels et une politique de réponse aux défis structurels avec
des projets à forte valeur communicative, Aleksei Ouliukaiev fait
presque figure d’un intru.
Aleksei Likhatchev, vice-ministre du Développement économique, a
participé aux préparatifs de l’adhésion de la Russie à l’OMC. De
conviction libérale, il est partisan de l’application stricte des règles
de l’OMC, adepte d’une économie du marché. Dans ses interventions
publiques il ne cache pas son désir de ne plus soutenir les industries
locales à coup de subventions à fond perdu, mais de les voir entamer des
réformes structurelles avec la participation des investisseurs
occidentaux. Il est hostile au plan « anti-OMC » élaboré par le
ministère de l’Industrie. Il a été parmi les premiers à attirer
l’attention du gouvernement sur la nécessité d’étendre la « taxe de
recyclage » à l’ensemble des constructeurs et équipementiers et non
seulement aux importateurs, afin de ne pas déroger aux règles de l’OMC.
Il citait les chiffres : parmi les 316 industriels concernés par cette
taxe, 186 y échappent, ce qui crée une distorsion de concurrence. Ses
positions sont parfois à contre-courant de la tendance dominante, de ce
fait il est peu écouté.
Igor Koval, directeur du département de la politique des investissements
et des partenariats public-privé au ministère du Développement
économique, a fait des études de l’économie aux Etats-Unis, bachelor en
2005, magister en 2007 à l’Université d’El Paso au Texas. Il a travaillé
chez Morgan Stanley aux Etats-Unis. En Russie il a travaillé dans la
filiale russe de l’américain Citibank et au sein de l’Agence fédérale
pour les zones économiques spéciales.
Sa mission au ministère est d’attirer et d’accompagner les investisseurs
occidentaux. De part ses connaissances linguistiques, sa formation et sa
culture économique il doit aussi faire l’interface entre les
responsables du ministère et les investisseurs occidentaux. Mais son
profil jugé trop « occidentalisé » ne lui permet pas d’avoir de
l’influence dans l’immédiat.
« La mission des dirigeants du ministère du Développement économique est
de garder le robinet des aides publiques fermé aussi longtemps que
possible, et de l’ouvrir avec grande parcimonie. Leur voix n’est pas
celle qui porte le plus dans la boucle décisionnaire », commente notre
expert.
REGIONS
Anatoly Artamonov, gouverneur de la région de Kalouga depuis
2000, est une figure emblématique dans le développement des sites
d’assemblage automobile en Russie. Sous sa direction, la région a acquis
une excellente réputation pour son climat d’investissement. La
particularité de sa gestion, confirmée par plusieurs dirigeants des
entreprises concernées : il n’y a pas de corruption directe. Les
investisseurs occidentaux sont soumis à des règles bureaucratiques, ils
doivent s’acquitter des quantités de paperasserie, ils sont aussi
sollicités pour payer la construction des routes et des logements etc.
Mais à aucun moment on ne leur demande de contribuer au bien-être
personnel des membres de l’administration régionale. Alors plusieurs
grands industriels ont choisi de s’y installer. Pour le secteur
automobile, Volvo Trucks a été le premier, suivi de VW, PSA,
Continental.
Maxim Akimov, ex-vice gouverneur de Kalouga chargé de la politique
économique de la région entre 2004 et 2012, vient d’être promu « premier
vice-directeur de l’Appareil du gouvernement ». Il fait désormais partie
du gouvernement fédéral à Moscou, placé sous les ordres de Serguei
Prikhodko, vice-Premier ministre russe, chargé de la politique
d’investissement public dans le secteur industriel. A son nouveau poste
cet ancien cadre de M.Artamonov n’oubliera pas de défendre les intérêts
de sa région d’origine.
Georgy Poltavchenko, gouverneur de la région de St Petersbourg a été
nommé à ce poste en 2011. Cet ex-officier du KGB n’a pas encore eu
beaucoup d’occasion à se frotter à l’industrie automobile. Pourtant sa
région abrite un important cluster automobile avec des usines
d’assemblage Nissan, GM, Hyundai, Ford, Toyota… sans compter plusieurs
équipementiers dont le pneumaticien Nokian. La seule intervention de
M.Poltavchenko sur ce terrain consistait à demander aux directions
générales des grands constructeurs de faire déménager à St Petersbourg
leur siège russe, situé habituellement à Moscou. Raison invoquée ? Pour
que la région puisse comptabiliser à son actif l’ensemble des ventes
réalisées par ces constructeurs en Russie, et pas seulement les impôts
versés par leurs usines d’assemblage.
Selon M. Gassimov, « Georgy Poltavchenko a acquis une piètre réputation
à St Petersbourg. Il ne sait pas prendre de décision, il a du mal à
trancher. Or la ville est partagée entre différents groupes d’intérêt,
des « barons » locaux. Et pour continuer à fonctionner ils ont besoin
d’un arbitre, de quelqu’un qui puisse faire régner la paix en imposant
sa volonté comme le faisait Valentina Matvienko auparavant au poste de
gouverneur. Or M.Poltavchenko ne se montre pas à la hauteur des enjeux,
à tel point que les « barons » locaux en appellent aujourd’hui à Poutine
en demandant le remplacement de ce gouverneur ».
Nicolai Merkushkin, gouverneur de la région de Samara, a été nommé à ce
poste en 2012 en remplacement de Vladimir Artiakov. Ce dernier a
récupéré son poste de vice-DG de Rostec qu’il occupait déjà avant de
venir à Samara. La région de Samara abrite l’usine automobile Avtiovaz à
Togliatti ainsi que bon nombre d’équipementiers fournisseurs d’Avtovaz
et une Zone économique spéciale créée pour abriter de nouveaux
fournisseurs.
Nicolaï Merkushkin affiche une longue carrière d’apparatchik du parti
puisqu’il a commencé comme secrétaire aux Jeunesses communistes en 1977,
fonctionnaire du Parti communiste soviétique par la suite, et n’a jamais
quitté cette filière rejoignant ensuite les cadres du parti Edinaya
Rossia de Vladimir Poutine. Il occupait le poste du gouverneur de la
région de Mordovie et en même temps président de l’autonomie de
Mordovie, entre 1995 et 2012. Il y a constitué un micro-empire : sa
femme, ses deux fils, ses deux frères et son neveu possèdent en Mordovie
une quantité impressionnante d’entreprises. Il a notamment réussi à
nommer son fils cadet, 34 ans et aucune expérience des administrations,
au poste du ministre du gouvernement régional. Cela a provoqué le
mécontentement au Kremlin où cette nomination a été qualifiée de «
népotisme ». Est-ce la cause de sa mutation à Samara ?
« La raison de cette nomination c’est que Vladimir Artiakov n’a pas
brillé au poste de gouverneur. Le Kremlin lui cherchait un remplaçant et
c’est Nicolaï Merkushkin qui a été choisi. C’est un fonctionnaire de
l’ancienne école, avec beaucoup d’expérience. Quels que soient les
reproches qui peuvent lui être faites par ailleurs, on sait qu’il a des
compétences pour bien gérer la région », avance M.Gassimov.
Aleksei Pakhomenko, directeur de la Zone économique spéciale de Samara,
se destinait à une carrière militaire. Mais à sa sortie de l’Ecole
militaire de Togliatti en 1993, l’armée en pleine mutation ne recrutait
plus, alors il s’est dirigé vers le business. Entre 2003 et 2009 il est
directeur adjoint chez Avtovaz, en charge des questions économiques. En
2009 il quitte Avtovaz pour rejoindre le conseil municipal de Togliatti.
En 2010 il quitte la Ville pour la Région et prend le poste de
vice-directeur du développement économique de la région de Samara,
ensuite celui du directeur de la Zone économique spéciale de Samara. Sa
mission à ce poste est de gérer le développement de la ZES tout en
surveillant les investissements de la région dans ce projet.
ENTREPRISES
Serguei Chemezov, DG de Rostec, a été nommé président du Conseil
d’administration d’Avovaz en 2007. Sa mission était de superviser la
réforme du géant automobile russe, en perte de vitesse, afin d’éviter la
disparition d’une entreprise qui employait 115 000 salariés et faisait
vivre les 700 000 habitants de Togliatti. Il s’est honorablement
acquitté de sa mission en chapeautant les réformes structurelles, en
alimentant Avtovaz avec des fonds publics qui ont permis sa survie et en
amenant Avtovaz au mariage avec l’alliance Renault-Nissan. Aujourd’hui
Serguei Chemezov est toujours co-président du Conseil d’administration,
aux côtés de Carlos Ghon, dans le cadre de la prise de contrôle
progressive d’Avtovaz par l’alliance.
M. Chemezov déclare des revenus de près de 2 millions de dollars par an.
Ekaterina Ignatova, sa femme, sans emploi, déclare au fisc des revenus
proches de 18 millions de dollars par an, issus en grande partie des
participations familiales dans les grandes entreprises russes.
« Serguei Chemezov est un homme discret, il ne se met pas beaucoup en
avant », explique M.Gassimov, « Il n’en a pas besoin puisque c’est un
ami intime et un ex-collègue du président Poutine, ils ont servi
ensemble dans les rangs du KGB en Allemagne de l’Est. C’est un ami
fidèle qui ne demande qu’à servir et qui ne recherche pas les avantages
personnels. Poutine l’apprécie beaucoup parait-il et il confie à Chemezov les chantiers les plus compliqués, c’était le cas avec Avtovaz
qu’on donnait mort et que Chemezov avait sauvé des flots ».
« Aujourd’hui Chemezov dirige la holding publique Rostec qui garde sous
sa coupe près de 700 entreprises, essentiellement industrielles. Mais
Rostec est aussi associée aux ventes d’armes, c’était d’ailleurs sa
mission initiale. Qui dit ventes d’armes, dit commissions et
retrocommissions. Chemezov occupe un poste stratégique. Quand l’armée de
Dvorkovich aura quitté la scène, Chemezov sera toujours là et il aura
toujours l’oreille de Poutine ».
Oleg Deripaska, actionnaire principal de la holding Russian Machines
dont le groupe automobile GAZ fait partie, dispose d’une fortune de 8,5
milliards de dollars en 2013 selon Forbes. Il doit sa réussite
essentiellement à son groupe industriel RUSAL, propriétaire de plusieurs
usines d’aluminium en Russie. Mais aujourd’hui M. Deripaska est piégé
par la chute des cours mondiaux de ce métal. La vétusté de son
équipement et la hausse des tarifs d’électricité sur le marché national
contribuent à mettre ses coûts de production bien au-dessus des cours
mondiaux. Selon ses propres déclarations, ses usines sont rentables
au-dessus de 2 400 dollars la tonne d’aluminium. Or les cours ont
tendance à approcher les 1 700 dollars la tonne. Oleg Deripaska a déjà
essayé de fermer plusieurs sites de production non-rentables mais à chaque fois il en
a été dissuadé par la présidence russe : dans plusieurs villes russes,
ses usines sont le principal employeur. M.Deripaska est prié de
continuer à faire tourner les sites à perte.
Trop préoccupé par ce dossier, Oleg Deripaska ne semble pas s’intéresser
à l’industrie automobile dans l’immédiat. Il a recruté des équipes
entières de cadres occidentaux pour gérer le groupe GAZ et leur laisse
une certaine liberté de manœuvre sans s’ingérer. Manque de chance pour
lui, le groupe GAZ vient de perdre son dirigeant emblématique : Bo
Andersson, le DG du groupe a été débauché par Avtovaz fin 2013. Dans la
configuration actuelle, la puissance de lobbying du groupe GAZ auprès
des administrations à Moscou n’est pas significative.
« On dit dans les milieux industriels que c’est Serguei Chemezov qui a
convaincu Oleg Deripaska, propriétaire de Gaz, de ne pas s’opposer au
départ de Bo Andersson. Or Andersson était l’atout principal
de Deripaska, celui qui a fait sortir le groupe Gaz d’une quasi-faillite
et l’a remis sur les rails. Avec ce départ Deripaska se retrouve sans
gestionnaire. Ce qui prouve d’ailleurs qu’en termes d’influence il ne
pèse pas beaucoup face aux hommes de Poutine », commente M.Gassimov.
Vadim Shvetsov, PDG et actionnaire principal du groupe Sollers, est
probablement le lobbyiste le plus puissant du secteur automobile russe.
Il est originaire de Tcherepovets dans le Nord de la Russie, une ville
bâtie autour de l’usine métallurgique Severstal, deuxième producteur de
l’acier du pays. Il a rejoint Severstal a l’âge de 26 ans. En 1997 il
est au poste de directeur commercial. Un court
passage par la case politique : entre 1996 et 2000 il est député
municipal de la ville de Tcherepovets qui abrite le siège de Severstal.
En 2001 Shvetsov est devenu le premier adjoint d’Aleksei Mordachov,
actionnaire principal et dirigeant de l’entreprise. A cette occasion
l’entreprise l’envoie préparer son MBA à l’université de Northumbrie
dans le Newcastle en Grande-Bretagne. Peu après Shvetsov prendra la
direction du nouveau groupe Severstal Avto. Composé de l’usine
automobile UAZ et de l’usine de moteurs ZMZ, ce groupe a été constitué
par Mordachov pour contrecarrer son concurrent, l'homme d'affaires Oleg
Deripaska qui venait d’acheter l’usine automobile GAZ.
Début 2007, Aleksei Mordachov souhaite se désengager des activités
automobiles. Vadim Shvetsov acquiert 58% du capital de Severstal Avto
qu’il avait créé. En contrepartie il rend à Aleksei Mordachov ses
actions de la holding Severstal et d’autres sociétés de métallurgie. La
transaction est valorisée à 500 millions de dollars. En 2008 le nouveau
groupe automobile change de nom, il s’appelle désormais Sollers. Son
chiffre d’affaires atteindra 1,65 milliard d’euros en 2012.
Shvetsov dispose d’une puissance de lobbying hors pair. Il a réussi à
faire capoter le projet d’installation d’une grande usine du chinois
Great Wall en 2007. C’est le seul constructeur qui n’a pas réussi à
faire signer un accord d’investissement à l’époque où ces accords
étaient signés à peu près avec tous les volontaires. Great Wall voulait
assembler ses 4x4 dans la zone économique spéciale d’Alabouga dans le
Tatarstan. L’industriel chinois s’est assuré l’accord du gouvernement
autonome du Tatarstan en lui proposant des parts dans la future JV qui
devait assembler 50 000 unités par an. Mais c’était compter sans
Shvetsov qui voulait installer sa propre usine dans cette ZES pour
assembler des 4x4 du sud-coréen Ssangyong. M.Shvetsov a fait une
campagne de lobbying auprès des dirigeants russes accusant les
industriels chinois et Great Wall en particulier de concurrence déloyale
et du dumping avec le soutien du gouvernement chinois. L’administration
russe, facilement hostile aux investisseurs chinois, a entendu les
arguments de Shvetsov. Le dossier était freiné à tous les stades dans
les différents ministères, on prétendait que le projet d’assemblage d’un
4x4 chinois ne répondait pas aux exigences pour l’installation dans une
zone franche. Jusqu’au jour où les administrations ont annoncé que la
période de signature des contrats était terminée et que Great Wall
n’était pas parmi les élus.
Depuis, M.Shvetsov a encore étendu ses réseaux grâce à la montée rapide
de son ex-collègue Aleksei Rakhmanov au département de l’Industrie
automobile, mais pas seulement. En 2008 Vadim Shvetsov a épousé Iulia
Khristenko, fille issue du premier mariage de Victor Khristenko,
ministre de l’Industrie à l’époque et qui le restera jusqu’en 2012
(Aujourd’hui il préside la Commission économique eurasienne). On peut
penser qu’en 2007 M.Khristenko connaissait déjà le fiancé de sa fille.
Et cela avait coûté cher à Great Wall.
Victor Khristenko est marié en secondes noces à Tatiana Golikova qui
occupait le poste du ministre de la Santé entre 2007 et 2012.
Conseillère auprès du président de la Russie entre mai 2012 et septembre
2013, elle préside la Cour des comptes russe depuis septembre 2013.
Depuis l’officialisation de la relation de M.Shvetsov avec la
belle-fille de Mme Golikova, le ministère de la Santé russe affichait
une attention particulière pour les activités automobiles. Après les
noces en 2008, le ministère avait fait modifier la rédaction de ses
appels d’offres pour les véhicules du SAMU. Ils mentionnaient désormais
plusieurs paramètres techniques tels que l’écartement des roues ou le
diamètre des tambours des freins avant et arrière, peu pertinents pour
un appel d’offres. Un seul modèle sur le marché correspondait
précisément à ces critères, le véhicule SAMU sur la base de la Fiat
Ducato assemblé par l’entreprise de M. Shvetsov. Ce dernier avait alors
remporté la commande publique pour 1 415 véhicules.
Son concurrent GAZ avait saisi la justice pour contester la décision du
ministère. La cour suprême d’Arbitrage avait conclu que l’appel d’offres
n’était pas sincère car un seul modèle sur le marché correspondait
précisément à tous les critères. Mais le ministère de la Santé s’était
empressé de verser la totalité du montant du contrat à l’entreprise de
M.Shvetsov. Ce paiement encaissé par le fournisseur, la justice russe
avait conclu qu’il n’y avait plus matière à conclure. Il n’y a pas eu de
poursuite.
Sollers était partenaire de Fiat, assembleur et importateur des LCV du
constructeur italien jusqu’au printemps 2011, date à laquelle il avait
divorcé du jour au lendemain pour conclure immédiatement un accord
d’assemblage avec Ford. Ce divorce à peine consumé, le ministère de
l’Industrie annonçait une enquête sur les soupçons de dumping sur le
marché des utilitaires (LCV) importés « par des constructeurs
originaires d’Italie ». L’enquête a été ouverte par les services du même
ministre Khristenko… sur une dénonciation venant de Sollers.
Vadim Shvetsov est souvent présenté comme co-auteur des barrières
douanières à l’import des véhicules neufs et d’occasion ainsi que de la
« taxe de recyclage ». On lui prête le rôle de l’expert en patriotisme
industriel auprès du gouvernement russe.
Entre Arkady Dvorkovich, Denis Mantourov, Aleksei Rakhmanov et Vadim
Shvetsov, ainsi que Serguei Chemezov, des axes d’influence puissants se
profilent à travers les administrations, les régions et les entreprises
russes. Ces axes ont des ramifications multiples dans le gouvernement et
dans l’entourage de la présidence russe. Ils devraient continuer à peser
sur les décisions concernant le secteur automobile dans les années à
venir. |
|
|
|
Les constructeurs mondiaux des poids-lourds se sont donné
rendez-vous au salon Comtrans à Moscou en septembre 2013. Une relative baisse
des ventes ne les empêchait pas d’établir de nouveaux projets pour ce marché
prometteur.
Chez Renault Trucks, deux nouveaux modèles seront produits dans l’usine Volvo
Trucks de Kaluga à partir de fin 2014. Autre changement d’importance, une usine
de cabines dont le chantier à démarré en juin 2013 et qui devrait devenir
opérationnelle fin 2014. Elle produira 15 000 cabines, dont 5 000 pour Renault
Trucks. « A Kaluga nous assemblons les véhicules à la norme Euro 5. Pour les
commandes des tracteurs Euro 6, nous les importons depuis Bourg-en-Bresse. Ce
sont des opérateurs russes des transports TIR qui commandent. Et ils ont intérêt
à trouver des moyens de s’approvisionner en carburant car il est impossible
d’utiliser le carburant local courant avec cette norme », explique Philippe
Delfino, directeur des ventes des gammes Long Haul Rangers. Il a fait le
déplacement depuis la France pour ce salon.
Le constructeur procède aussi à un regroupement de son réseau d’entretien et de
services avec celui de Volvo Trucks. Il lance sur le marché russe un service
spécifique de gestion de flotte permettant aux transporteurs de contrôler à
distance les temps de conduite et de repos des conducteurs, afin de se mettre en
conformité avec l’évolution de la législation sociale russe.
« L’année 2013 a été une année de basses eaux pour le marché des PL. L’usine
de Kalouga tourne à 8 000 unités dont 2 300 pour Renault Trucks, pour une
capacité de 15 000 unités. Nous espérons un rattrapage en 2014 mais qui ne
permettra pas encore de rejoindre le niveau des années précédentes. Et nous nous
attendons à une forte croissance en 2015 », note Philippe Delfino. Sa maison
mère Volvo Trucks comptabilise aujourd’hui un parc de 70 000 véhicules en
Russie, c’est le plus grand parc sur place parmi les grands constructeurs.
Chez DAF on partage les mêmes attentes. « Le marché russe des véhicules 16
tonnes et plus a été supérieur à 100 000 unités en 2012 mais il ne dépassera pas
80 000 unités en 2013 selon nos prévisions. Dont environ 30 000 en provenance
des pays de l’Union européenne », note Ron Bonsen, directeur Marketing &
Sales chez DAF Trucks NV, « Nous espérons vendre plus de 4 000 unités pour
atteindre 15% des parts du marché sur ce segment précis. Nous agrandissons notre
réseau en Russie, de 31 dealers sous le statut d’entrepreneurs indépendants il
devrait passer à 55 en 2015 en prévision du redémarrage du marché ».
Avez-vous un projet d’assemblage sur place ? « Cela fait partie de notre
stratégie ! Mais il s’agit de la stratégie à long terme. Nous n’avons pas de
projet d’implantation dans l’immédiat », répond Ron Bonsen. DAF a aussi
ajouté une ligne de véhicules de distribution en plus des tracteurs. Comme tous
les autres constructeurs de PL. Ils présentent aussi tous des véhicules Euro 6,
même s’il n’y a pas de carburant adéquat sur place. Mais il s’agit de répondre à
des demandes spécifiques des transporteurs russes qui approvisionnent le pays
avec toutes sortes de marchandises en provenance du marché européen.
Autre constructeur très présent en Russie, Scania y vend 6 000 unités par an.
Dont 4 000 assemblées sur place, sur son site près de St Petersbourg. « Ici
nous assemblons surtout les tracteurs en version de base. Les modèles
nécessitant des équipements plus spécifiques sont assemblés à Danemark ou en
Suède et importés en Russie », témoigne la direction russe du constructeur.
La filiale russe du japonais Isuzu se prépare pour la bataille de la
concurrence. « Nous avons fait démarrer une ligne d’assemblage logée sur le
site de l’usine automobile UAZ de notre partenaire local Sollers à Oulianovsk
», témoigne Fabrice Gorlier, directeur général d’Isuzu-Sollers, « Cette ligne
peut assembler jusqu’à 5 000 unités par an, dans les gammes light et medium,
soit entre 1,5 tonnes et 9 tonnes. Nous pensons ajouter aussi des véhicules 12
tonnes ».
Isuzu détient 14% des parts du marché russe des marques occidentales sur le
segment 7,5 tonnes, son cœur de cible. « Avant nous assemblions déjà ces
modèles chez Sollers dans son usine d’Elabouga. Mais maintenant l’opérateur a
monté des lignes d’assemblage avec Ford dans cette usine, et nous avons déménagé
sur son site à Oulianovsk », explique Fabrice Gorlier. L’usine d’Oulianovsk
assemble habituellement des 4x4 de conception locale avec une cadence de 50 000
à 60 000 unités par an.
« Le marché des PL est en baisse mais nous ne nous en rendons pas tellement
compte puisque nous avons démarré cet assemblage depuis peu, alors aujourd’hui
nous doublons de volume tous les mois. Mais il est vrai que ce marché devient de
plus en plus concurrentiel. Il y a quelque temps nous étions seuls sur notre
segment. Aujourd’hui Fuso, Hino, Hyundai sont arrivés sur le marché russe avec
des offres concurrentes », ajoute Fabrice Gorlier.
Nouvellement arrivée sur le marché russe, la société américaine Navistar vient
d’y lancer les ventes de son tracteur routier International Prostar, un camion
rouge rutilant comme on en voit dans les films. Après avoir obtenu les
certifications nécessaires, Navistar est en train de remplir son carnet de
précommandes. Le choix du modèle a été dicté par sa popularité : environ 70 000
tracteurs Prostar circulent sur les routes du continent américain. La Russie
servait jusqu’ici de lieu de « recyclage » puisque près de 30 000 tracteurs
routiers Navistar d’occasion ont été importés sur le marché russe. Ces tracteurs
ont été bien acceptés malgré leurs dimensions particulières, notamment une
longueur inhabituelle. « Ils ont tous bien marché et ont atteint la fin de
leur vie, alors les transporteurs demandent à renouveler leur parc »,
observe Nurali Bunyatov, directeur des ventes pour la Russie chez Navistar.
L’entreprise dispose déjà d’une représentation commerciale à St Petersbourg et
cherche à étoffer son réseau à Moscou. Le constructeur est aussi présent à Nijny,
à Rostov, à Ufa et à Voronej. Il vient de s’installer à Novossibirsk à travers
le distributeur local Avtotrac. |
|
|